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LE FEU DU DRAGON

Les dragons ? De splendides créatures, mon garçon… tant que tu les contemples sur une tapisserie, dans les sarabandes, ou à trois royaumes de distance…

Astragarl Cornebois, mage d’Elembar,

à un apprenti

Année de la Défense.

 

 

Le soleil écrasait les hauts pâturages. En contrebas, niché dans une forêt, un village était couvert de brumes aigue-marine – la magie du Beau Peuple, disait-on…

Mais beaucoup, à Heldon, ne portaient pas les elfes dans leur cœur.

Elminster n’était pas du nombre. Il espérait en rencontrer un jour, se familiariser assez avec eux pour toucher leur peau satinée et leurs oreilles pointues, puis discuter à bâtons rompus. Jadis, ces bois leur avaient appartenu ; les elfes connaissaient encore les antres des bêtes sauvages et les secrets de la sylve.

Un jour, une fois adulte, Elminster en saurait tout autant ; le nez au vent, il irait où bon lui semblerait.

Calé contre son rocher favori, El surveillait d’un œil distrait les moutons qui paissaient près de là.

Puis, une fois encore, il tourna ses regards vers le sud. Chassant de son front des boucles rebelles noires, il garda une main en visière pour protéger ses yeux bleu-gris et s’efforcer d’apercevoir les tourelles d’Athalgard. Elles s’élevaient près du fleuve, au cœur de Hastarl. Comme toujours, il distinguait la brume bleutée délimitant les méandres du Delimbiyr – rien de plus.

Son père lui répétait souvent que le château était trop loin pour être visible. De temps à autre, il ajoutait que c’était une bonne chose.

Elminster brûlait de découvrir ce que ça cachait ; sur certains sujets, son père ne desserrait pas les lèvres. Pressé de questions par un adolescent trop curieux, il se contentait de fixer son intense regard gris sur lui.

Le jeune homme abhorrait les secrets – du moins ceux qui lui échappaient. Un jour, il percerait tous les mystères et verrait ce château, dont les ménestrels vantaient la splendeur.

Une brise légère caressait les herbes. C’était l’Année des Forêts embrasées. Déjà, les nuits devenaient plus fraîches. Après six saisons passées à faire le berger, El savait que la chute des feuilles ne tarderait pas.

Il resserra sur ses épaules son justaucorps de cuir, jadis propriété d’un garde forestier. Sous une pièce rapportée, dans le dos, se voyait encore la déchirure causée par la flèche – elfique selon d’aucuns  –, qui avait ôté la vie au malheureux. Sensible au parfum d’aventure qui s’en dégageait, Elminster portait le vieux vêtement avec panache.

Une ombre insolite lui fit lever les yeux ; il y eut un appel d’air. Elminster bondit… et vit, immenses dans les nues, des ailes comparables à celles d’une chauve-souris, qui propulsaient une créature de la taille d’une maison !

De longues pattes pliées sous un ventre interminable, un cou reptilien terminé par une gueule aux petits yeux luisants de cruauté, et des crocs aiguisés hauts comme un homme !

Un dragon !

Il fondait sur le berger pétrifié. Quelqu’un chevauchait le monstre !

Elminster croisa le regard malveillant du grand dracosire… et il fut hypnotisé.

Les griffes lacérèrent le roc, produisant un crissement de pierre fendue et une gerbe d’étincelles. Debout, le monstre faisait deux fois la taille de la plus haute tour du village ; un battement d’ailes assourdissant catapulta Elminster au milieu des moutons bêlant de terreur.

Une épaule froissée, le berger sentit que sa panique était contenue par un mur invisible… ; quelque chose bouillait dans ses veines…

La magie !

Il se releva. Elminster avait toujours espéré être témoin d’un prodige. Au lieu de l’euphorie dont il avait rêvé, il découvrit qu’il détestait ça. Son corps ne lui obéissait plus. La colère et la peur le prirent à la gorge.

Juché sur le roc tel un vautour plus grand qu’un château, le dragon avait posé la queue sur le versant occidental de la colline. Elminster déglutit. Le cavalier inconnu avait sauté à terre et tendait la main.

El éprouva toute l’horreur de son impuissance ; sa volonté était écrasée… Malgré lui, le jeune homme leva les yeux. Croiser le regard du dragon avait été terrible, sans être dépourvu de splendeur.

Celui de l’inconnu promettait la souffrance et la mort.

El parvint à regarder un peu de côté ; son ennemi avait le teint bistre. Un pendentif brillait sur sa poitrine glabre. Bien qu’ils soient à demi cachés par une tunique vert sombre, El remarqua des tatouages. L’inconnu portait aux oreilles des anneaux or et bleu. Elminster distingua une aura bleutée – celle de la magie. Son père l’avait imploré de ne jamais mentionner son don de détection. Le pendentif, les anneaux, la tenue et les tatouages étaient tous nimbés de cette aura. L’éclat magique crépitait particulièrement autour du bras que tendait l’homme.

C’était un sorcier.

— Comment se nomme ce village ?

— Heldon, répondit Elminster.

Le goût du sang lui monta à la bouche.

— Son seigneur s’y trouve-t-il ?

Elminster eut beau vouloir résister, une réponse affirmative lui échappa.

— Son nom ? continua le sorcier, resserrant son emprise.

Sa victime éprouva l’envie irrésistible de tout raconter.

— Elthryn.

— Décris-le.

— Il est de haute taille, mince, souriant, et il a toujours un…

— De quelle couleur sont ses cheveux ?

— Bruns, seigneur, tirant sur le gris pour les favoris et la barbe. Il…

Le sorcier fit un geste vif ; Elminster perdit le contrôle de ses mouvements, tourna les talons et courut en direction du ravin.

Trébuchant dans les herbes folles, il s’accrochait à sa maigre victoire : il avait tu la vérité.

Elthryn était son père.

Une maigre consolation, en vérité…

Quand il plongea contre sa volonté, le vide parut l’avaler.

Le vent siffla à ses oreilles.

Dans son écrin de brume, Athalantar semblait un véritable joyau.

Tandis qu’il tombait, Elminster sentit l’emprise du sorcier disparaître.

Il chercha le moyen de sauver sa vie.

Parfois, à force de volonté, il parvenait à déplacer les objets sans les toucher.

Parfois… Que les dieux l’entendent !

La lumière blanche qu’il appelait de tous ses vœux apparut, occultant le sol. Désespéré, El griffa l’air de ses ongles, comme si des ailes lui avaient poussé d’un coup.

Puis il atterrit dans un buisson d’épines avant de toucher la terre et la pierre… Pour tomber de nouveau.

Sur des rochers, cette fois.

El en eut le souffle coupé.

Les dieux et les déesses le gardent…

Le brouillard blanc s’estompa. Au-dessus du miraculé retentit un horrible craquement.

Quelque chose d’humide le dépassa et alla s’écraser au fond du ravin. Du sang vermeil constella les roches ; le soleil se voila. Elminster fit le mort. Ses bras, ses côtes et sa hanche droite lui faisaient un mal de chien.

Le sorcier allait-il descendre s’assurer de son trépas ?

Une cuisse de mouton entre les dents, le dragon vola au-dessus du berger. Quand il refit un passage, deux moutons pendaient dans ses pattes.

Elminster se sentait de plus en plus mal. Il s’agrippa au roc.

Un claquement d’ailes sinistre… Le dragon revenait à la charge.

Immobile, le cou tordu, Elminster ouvrit la bouche et écarquilla les yeux, les tournant vers le ciel.

Le sorcier jeta un dernier regard au gisant, en contrebas. D’un puissant coup de reins, le dragon orienta son vol… et fondit sur Heldon avec un cri de mort.

Elminster se remit debout et descendit au fond de l’abîme. S’écorchant les doigts sur les arêtes des rochers, il ne ménagea pas sa peine.

Une peur atroce lui nouait les tripes.

Quand il atteignit son but et surplomba son village, il avait encore assez de souffle pour hurler à gorge déployée.

 

Une femme cria. Aussitôt, le vacarme des forges cessa. Le sourcil froncé, Elthryn Aumar bondit pour attraper son épée, et sortit dans la rue.

Le plus vieux trésor d’Athalantar – l’épée du Lion, vibrant de puissances magiques – étincela au soleil. Comme toujours, Elthryn la sentait assoiffée de sang. Beuglant d’effroi, les villageois dévalaient la rue principale. Elthryn se tourna vers la Haute-Forêt, d’où montait une étrange fumée.

Des brigands ? Des orques ? Une menace venue des bois ?

Brandissant l’épée – l’objet principal de son orgueil  –, il remonta la rue à contre-courant d’une foule livrée à la panique ; à son tour, il fut gagné par la peur.

Au bout de la rue, il découvrit le sinistre… Son cottage dévoré par les flammes.

— Amrythale…, lâcha-t-il, aveuglé par les larmes.

Il se disait volontiers que cette fille de bûcherons avait dû user de sorcellerie pour prendre dans ses filets un des princes d’Athalantar les plus populaires. Mais Elthryn aimait Amrythale.

Et il était payé de retour.

Il regarda leur foyer partir en fumée…, devenu le bûcher funéraire de sa bien-aimée.

Les joues ruisselantes de larmes, le prince sentit la colère l’étouffer.

— Qui a commis ce crime ? tonna-t-il.

Son cri indigné se répercuta dans les échoppes et les logis déserts. Le crépitement des flammes lui répondit… avant qu’éclate un rugissement à faire trembler les murs. Sous ses bottes, les pavés vibrèrent. Relevant la tête, il vit planer, avec une méprisante nonchalance, un vieux dragon rouge aux écailles tirant sur le noir. Un homme – un sorcier, à n’en pas douter – chevauchait le monstre, bâton au poing. Pour Elthryn, ça ne pouvait signifier qu’une chose : tout cela était l’œuvre de son frère aîné, Belaur.

Elthryn avait été le favori de leur père, s’attirant ainsi la haine éternelle de son frère. C’était à Elthryn que le roi avait remis l’épée du Lion…

C’était tout ce qui restait de lui, à présent. Et la lame enchantée lui avait rendu de fiers services…

Quand le prince releva la tête, ce fut pour voir sa mort, toutes ailes éployées.

Portant l’épée du Lion à ses lèvres pour y poster un baiser, il invoqua le visage de son fils, encadré par une masse de cheveux noirs.

Elminster, avec sa nature taciturne et grave qu’expliquait peut-être le secret de sa naissance : car l’enfant avait des pouvoirs que les dieux accordaient à de rares élus. Peut-être avaient-ils des projets pour cet adolescent singulier.

S’accrochant à ce mince espoir, Elthryn murmura :

— Vis, mon fils. Vis pour venger ta mère… et rendre son honneur au trône du Cerf. Entends-moi !

Dévalant une colline, Elminster s’adossa à un arbre, le souffle court. Un murmure résonna à ses oreilles : Elthryn avait recours à une particularité de l’épée magique, que son fils lui avait vu utiliser une fois, quand Amrythale s’était perdue dans une tempête de neige.

Le garçon comprit ce que signifiait ce message.

Elthryn affrontait la mort.

— Je viens, père ! hurla-t-il.

Il reprit sa course, sachant qu’il n’arriverait pas à temps…

Elthryn Aumar se préparait à mourir comme il seyait à un prince. L’ignorant, le dragon poursuivait la foule. Avec ses dards magiques, le sorcier répandait la mort à plaisir.

Puis il concentra ses foudres vers l’impudent qui osait le défier. Contre toute attente, l’épée absorba l’énergie.

Le prince vit le sorcier pivoter sur sa selle et froncer le sourcil. L’épée brandie pour le défier, Elthryn le maudit.

Une nouvelle tentative se solda par le même échec. L’épée rougeoya sous l’afflux d’énergie. Elle dominait les sortilèges… mais pas le feu des dragons.

Le prince se savait à deux doigts de la mort.

— Ô Mystra, fais que mon garçon en réchappe ! supplia-t-il quand le dragon fondit sur lui. Veille à ce qu’il garde assez de bon sens pour fuir loin d’ici…

Le dragon rouge cracha le feu. Elthryn Aumar leva son épée… avant d’être englouti par un déluge de flammes.

 

Elminster déboula dans la rue principale de Heldon et vit les cadavres carbonisés des pauvres gens surpris dans leurs logis.

La gorge nouée, il fit quelques pas avant de s’immobiliser : à quoi bon se hâter quand le village entier n’était plus que ruines ? A l’autre bout, une épaisse fumée montait dans le ciel. Elminster comprit que son foyer était réduit en cendres.

Le dragon était parti.

Le jeune homme restait seul au milieu des morts.

Il eut beau fouiller les décombres, il n’y avait plus âme qui vive. De sa mère ou de son père, il ne trouva nulle trace… Or, ils n’avaient pas pu fuir.

Puis le berger trébucha sur la garde à demi fondue de l’épée du Lion.

Les mains tremblantes, il la retira d’un tas de cendres. Le feu de la magie ne nimbait plus les restes carbonisés de la lame. El la serra contre son sein ; le monde vacilla.

A genoux dans les cendres, il pleura longtemps. Quand il revint à lui, le soleil se couchait. Les pavés glacés, sous sa joue, l’avaient tiré de son hébétude. La nuit tombait sur la Haute-Forêt. Non loin de là, des hurlements de loups déchirèrent le silence.

Le jeune homme devait partir avant que les carnassiers viennent se repaître des cadavres.

Il leva l’épée vers le ciel.

— Je tuerai ce sorcier, jura-t-il entre ses dents, et je vous vengerai même si je dois y perdre la vie. Entendez-moi, mon père et ma mère… J’en fais le serment.

Comme pour lui répondre, un loup hurla.

Tandis que l’orphelin s’éloignait, Séluné se leva sur Heldon, nimbant les ruines d’une lueur sinistre.

Elminster s’en fut sans un regard en arrière.

 

L’adolescent avait trouvé refuge dans une grotte où il jouait souvent à « cherche-ogre » avec les autres gamins. Réveillé en sursaut, il tendit l’oreille. On avait parlé, tout près…

— Aucune trace de raid… Personne n’a été passé au fil de l’épée, dit une voix grave.

S’efforçant de sonder les ténèbres, Elminster ne bougea plus.

— Les maisons ont pris feu spontanément, en ce cas, fit une autre voix, sarcastique. Et les autres se sont effondrées parce qu’elles étaient fatiguées de tenir debout…

— Suffit, Bellard ! Il n’y a aucun survivant, et ce n’est pas l’œuvre de soldats. Il n’y a pas eu pillage non plus.

— Quel prédateur utilise le feu pour détruire ? Et renverse des maisons sur son passage ?

— Un dragon, suggéra un troisième larron.

— Un dragon ? Et personne n’aurait rien vu ?

— En amont et en aval du Delimbiyr, il se passe plus d’une chose que tu ne remarques jamais, Bellard. De quoi d’autre pourrait-il s’agir ? Un sorcier ? Entendu, mais lequel serait assez puissant, en l’occurrence ? Si vous avez d’autres hypothèses, je vous écoute. En attendant, nous sortirons à l’aube et nous resterons près de la forêt, à tout hasard.

— Non ! Je refuse de me cacher comme une vieille femme pendant que d’autres ramasseront à pleines mains l’or et l’argent !

— Je t’en prie, Bellard, ne te gêne pas. Moi, je demeure ici.

— Oui… avec les moutons.

— En effet. Ainsi tu pourras peut-être manger autre chose que du villageois grillé.

Un grognement dégoûté et un gloussement ponctuèrent cette déclaration.

— Heaume a raison, comme toujours, Bel. A présent, allons-y. Si tu le traites comme un ami le devrait, au lieu de l’attaquer sans cesse, il nous en aura accommodé quelques morceaux juteux d’ici peu… Qu’en dis-tu, Heaume ?

La voix la plus grave répondit :

— Je ne vous promets rien. Si vous trouvez un chaudron, ayez le bon sens de le prendre. Ainsi, je nous mijoterai de bons ragoûts.

— Tu n’imagines pas que je m’encombrerai d’un tel ustensile au lieu de rapporter de l’or ou des lames bien trempées ? bougonna Bellard.

— Bougre d’abruti, rien ne t’empêchera de fourrer tes larcins dans mon « ustensile », comme tu dis !

De nouveaux rires se firent entendre.

— Il te tient, Bel !

— Une fois de plus.

— Filons.

Il y eut des raclements de bottes, des pierres roulèrent devant l’entrée de la grotte. Puis le silence retomba.

Longtemps, Elminster n’entendit que la plainte du vent. Tous devaient être partis. Prudent, il étira ses muscles endoloris et avança à pas de loup dans la pénombre… Bientôt, il manqua de s’embrocher sur une épée.

— Qui es-tu, mon garçon ? Tu as fui le village ? lâcha le propriétaire de la lame.

Il portait une cuirasse en piètre état, des gantelets rouillés, un heaume cabossé, et une barbe fournie lui mangeait le visage. Elminster sentit l’odeur rance d’un soldat en campagne, à laquelle se mêlaient des senteurs d’huile et de bois fumé.

— Ce sont mes moutons, Heaume, dit-il, aussi placide que son interlocuteur. Laisse-les.

— Les tiens ? Pour qui les gardes-tu, maintenant que le village entier a péri ?

El sentit des larmes lui monter aux yeux. Il exhiba l’épée du Lion.

L’homme le regarda avec quelque chose comme de la pitié dans les yeux.

— Range ça, mon garçon. Même si tu avais une lame digne de ce nom, je n’aurais nulle envie de croiser le fer avec toi. Tu avais de la famille à… Heldon ?

— Oui…

— Où iras-tu maintenant ?

Elminster haussa les épaules.

— J’allais rester, admit-il, avec amertume, et manger mes moutons.

— En ce cas, un changement de plan alimentaire s’impose. Devrais-je t’en réserver un ?

— Voleur ! explosa l’orphelin.

Le gredin haussa les épaules.

— On m’a traité de pires noms…

Elminster fourra son moignon d’arme dans le revers de son justaucorps.

Heaume lui barrait le chemin.

— Tu ne serais pas si fier s’il se trouvait des chevaliers d’Athalantar près d’ici ! Ils étripent les brigands de ton espèce, aboya-t-il avec autorité, imitant le ton que prenait parfois son père.

La réaction de son vis-à-vis le prit au dépourvu : d’un bond, l’homme fut sur lui et l’empoigna par le col.

— Je suis un chevalier d’Athalantar, au service du roi Cerf en personne – que les dieux le gardent ! Si Hastarl ne pullulait pas de sorciers, et de prétendus « hommes d’armes loyaux », je sillonnerais ce royaume en toute quiétude ! Et tu aurais encore un foyer, une famille et des voisins !

Dans ses yeux gris brillait une colère aussi grande que celle du berger. El soutint son regard.

— Si tu es un vrai chevalier, lâche-moi.

— Très bien, mon garçon. Pourquoi ?

Elminster ressortit l’épée paternelle.

— La reconnais-tu ?

Heaume blêmit.

— L’épée du Lion… Elle devrait être dans le tombeau d’Uthgrael. Comment est-elle arrivée entre tes mains ?

— Elle m’appartient. Elle était à mon père et… je crois qu’il a péri hier soir, en la pointant contre l’ennemi.

Heaume et lui se toisèrent du regard.

— Qui est cet Uthgrael ? Pourquoi devrait-il être enterré avec l’épée de mon père ?

Heaume le regarda comme si trois têtes venaient de lui pousser, une couronne posée sur chacune…

— Je te répondrai, mon garçon, si tu me donnes le nom de ton père.

Elminster bomba le torse.

— Mon père est… était Elthryn Aumar. Tous l’appelaient le « seigneur sans couronne de Heldon ».

Heaume hoqueta.

— N’en parle à personne ! Tu m’entends ?

— Pourquoi ? Je sais que mon père était important… Un sorcier armé de deux bâtons l’a tué. Il chevauchait un dragon rouge sombre… Je ne les oublierai jamais. Un jour…

Le chevalier sourit.

— Qu’est-ce qui t’amuse tant ? demanda El, embarrassé.

— Assieds-toi. (Remettant son épée au fourreau, l’homme prit à sa ceinture une flasque de métal.) Veux-tu boire une gorgée ?

Elminster prit conscience qu’il mourait de soif.

— Promets de répondre à mes questions et de ne pas m’occire.

Heaume le regarda avec quelque respect.

— Tu as ma parole, celle de Heaume Pierrelame, chevalier du trône du Cerf. Tu auras tes réponses si tu me dis ton nom.

— Elminster Aumar, fils d’Elthryn.

— Fils unique ?

— A ton tour de répondre, coupa Elminster, prenant la flasque pour se désaltérer.

— De grâce, mon prince, dit le chevalier. Encore une question ?

— Te moques-tu, l’ami ? Un prince, moi ?

Heaume secoua la tête.

— Non, mon garçon : tu es bien un prince. De grâce, dis-moi : as-tu des frères ou des sœurs ?

— Aucun.

— Et où est ta mère ?

Elminster baissa les yeux.

— Avez-vous trouvé d’autres survivants ? J’aimerais avoir des éclaircissements, maintenant, seigneur chevalier.

Il but une longue rasade.

Coulant dans sa gorge, un feu d’un genre nouveau le fit suffoquer. Il tomba à genoux. A travers un voile de larmes, il vit Heaume se pencher pour lui tendre une main secourable et récupérer la flasque.

— Le flammevin n’est pas à ton goût, mon garçon ? Ça va mieux ?

Elminster acquiesça. Avec une tendresse bourrue, Heaume lui tapota le bras.

— Très bien. Tes parents ont jugé préférable de t’en dire le moins possible, et je les approuve… Néanmoins, tu as ma parole, prince. Et un chevalier tient ses promesses, si hardies soient-elles.

— Alors parle !

— Que sais-tu de ta lignée ?

— Rien, hormis des noms. Ma mère s’appelait Amrythale Gerbe d’Or ; son père était forestier. Le mien était fier de cette épée enchantée, et il se réjouissait que, de Heldon, on ne puisse apercevoir Athalgard. Voilà tout ce que je sais.

Heaume soupira.

— Fort bien. Assieds-toi et ouvre grandes tes oreilles. Si tu survis, garde pour toi ce que je vais t’apprendre. De nos jours, à Athalantar, les sorciers traquent les seigneurs de ton rang.

— Je sais, fit Elminster, amer.

— Je… Pardon, mon prince. J’oubliais. Athalantar s’appelle le royaume du Cerf en raison d’Uthgrael Aumar, le roi Cerf. C’était un puissant guerrier… ; ton grand-père.

— Je m’en doutais… En ce cas, pourquoi ne suis-je pas vêtu de riches atours, et à l’abri dans quelque salle d’Athalgard ?

Heaume sourit.

— Tu es aussi vif que ton grand-père, mon garçon ! Et tu as hérité de sa volonté de fer ! Uthgrael était mon suzerain ; de ma vie, je n’ai vu pareille fine lame. (Son sourire mourut.) Il a trouvé la mort lors d’un affrontement contre des orques, près de Jander. C’était pendant l’Année des Grandes Gelées. Beaucoup d’entre nous périrent cet hiver-là. Uthgrael était vieux ; après le trépas de la reine Syndrel, il n’attendait plus qu’une occasion de mourir les armes à la main… Uthgrael laissait son royaume à ses sept fils. Il n’avait pas de filles…

Le regard perdu dans les profondeurs de la grotte, Heaume revit d’autres lieux et d’autres visages…

— Des sept princes, cinq étaient dévorés d’ambition… Des hommes cruels et implacables. Felodar, notamment, s’intéressait à l’or par-dessus tout et serait allé en chercher au bout du monde si nécessaire. Ses frères préféraient rester à Athalantar. Quant aux deux derniers, l’un était trop jeune et timide pour inquiéter qui que ce soit. L’autre, Elthryn, se montrait de tempérament pondéré et équitable. Aux intrigues de cour, il préférait la vie à la ferme. Il s’y retira pour épouser une roturière. Nous avons pensé qu’il renonçait ainsi à ses droits sur la couronne. Lui aussi, à mon avis… Ses frères se sont battus pour contrôler le royaume. On a écrit des ballades sur les fameux « Princes querelleurs d’Athalantar ». Jusqu’ici, le vainqueur reste l’aîné, Belaur. (Le chevalier lui saisit le bras :) Ecoute bien : Belaur l’a emporté sur ses frères, mais sa victoire lui a coûté le royaume, ainsi qu’à nous tous. Pour conquérir le trône du Cerf, il a fait venir des quatre coins de Faerûn des sorciers qui ont assuré sa suprématie. Aujourd’hui, c’est un vieil ivrogne, le jouet de son entourage… Les véritables maîtres sont ces thaumaturges. Même les mendiants de Hastarl le savent.

— Combien sont-ils ? Quels sont leurs noms ?

— Je l’ignore. Je doute que quiconque le sache, hormis les capitaines de la garde et les serviteurs d’Athalgard. Tu as juré de venger tes parents, mon prince ?

Elminster hocha la tête.

— Patience, lui conseilla le chevalier. Attends d’être plus mûr et d’avoir les poches assez remplies pour t’attacher à ton tour les services de mages. Tu en auras besoin, à moins de vouloir finir tes jours en grenouille, jeté dans quelque vasque pour amuser les apprentis sorciers. Ils se sont unis pour occire le vieux Shandrath, un archimage… Il leur a fallu détruire la tour Dracosire pierre par pierre, mais ils ont réussi, il y a deux ans de cela. Et ceux qu’ils ne pouvaient éliminer grâce aux grimoires, ils les passaient au fil de l’épée ou les empoisonnaient, comme ce pauvre Theskyn, le magicien de la cour. C’était un des amis les plus chers et les plus fiables d’Uthgrael.

— Je les vengerai tous, dit Elminster à voix basse. Avant que je meure, Athalantar sera libéré. J’en fais le serment.

Heaume secoua la tête.

— Crois-moi, mon prince, laisse là ces grands sentiments. Ceux qui jurent ainsi expirent vite. Leur obsession leur gâche la vie.

Elminster lui jeta un regard noir.

— Un sorcier a précipité mon père et ma mère dans la tombe, ainsi que tous mes amis. Je mènerai ma vie comme je l’entends.

Le visage de Heaume s’éclaira d’un sourire.

— Tu es idiot, mon prince ! Un homme avisé quitterait Athalantar pour ne plus jamais y remettre les pieds et ne jamais parler du passé, de sa famille ou de l’épée du Lion à âme qui vive… Mais tu ne pourrais agir ainsi et rester un prince d’Athalantar. Alors ta vengeance te coûtera la vie. Au moins, écoute-moi, et temporise avant de laisser Faerûn apprendre que tu as survécu… Du moins si tu ne veux pas qu’un seigneur mage t’élimine comme on écrase un moucheron.

— Ces chiens me connaissent ?

Heaume le gratifia d’un regard compatissant.

— Tu es bien naïf, mon garçon. Le sorcier au dragon avait sans doute ordre de tuer Elthryn et tous les siens avant que son fils ait l’âge de nourrir quelque ambition.

Le chevalier regarda pâlir l’adolescent. Quand celui-ci reprit la parole, il le surprit :

— Sire Heaume, donnez-moi les noms de ces seigneurs mages et je vous laisse mes moutons.

Le chevalier partit d’un grand rire.

— Ma foi, je ne les connais pas tous – et mes compagnons s’empareront tôt ou tard de tes moutons. Voici les noms de tes oncles. L’aîné – ton pire ennemi  –, est Belaur. A vingt-neuf ans, c’est une brute épaisse et vociférante. Cruel à la chasse comme à la guerre, il se croit plus malin qu’il lest. Il était le favori d’Uthgrael jusqu’à ce qu’il affiche sa cruauté foncière et son mauvais caractère. Il y a six ans, il s’est proclamé roi. Beaucoup, en amont et en aval du Delimbiyr, ne le reconnaissent pas comme tel. Les bonnes gens savent à quoi s’en tenir.

— Et le deuxième fils d’Uthgrael ?

— On le croit mort. Elthaun était un séducteur au verbe d’or. Connu dans tout le royaume pour son art de l’intrigue, il a eu le bon sens de fuir Hastarl à temps. Des seigneurs mages l’auraient retrouvé cette année à Calimshan, terré dans un cellier… et ils auraient fait assaut de sortilèges pour prolonger son agonie.

Elminster comptait ses oncles sur ses doigts, ce qui fit sourire Heaume.

— Le troisième ?

— Cauln fut tué avant que Belaur revendique le trône. Ce fouineur adorait espionner les duels magiques. Il se prenait pour un sorcier et fut piégé par un mage engagé par Elthaun, qui le transforma en serpent – un choix des plus appropriés. Puis il fit exploser l’animal. Les premiers seigneurs mages « importés » par Belaur exécutèrent le vainqueur du duel, « dans l’intérêt du royaume ». Ensuite venait ton père. D’un tempérament calme, il était très attaché au concept de « justice pour tous », qu’on soit noble ou vilain. Les bonnes gens l’adoraient ; à la cour, naturellement, cela ne lui valait aucun respect. Il s’est retiré à Heldon, et Hastarl l’a oublié. Que je sache, Uthgrael ne le tenait pas en grande estime. Pourtant, qu’il lui ait légué son épée tendrait à prouver le contraire.

— Nous en sommes à quatre princes, récapitula Elminster. Ensuite ?

— Ensuite venait Othglas : un obèse porté sur les grivoiseries, qui ne perdait aucune occasion de s’empiffrer. Plus rond qu’une barrique, il avait peine à se déplacer sur ses deux pieds. Il aimait empoisonner ceux qui lui déplaisaient… Dans sa course au pouvoir, il a éclairci notablement les rangs des courtisans.

Elminster plissa le front.

— À t’entendre, mes oncles sont un ramassis de bandits, de vrais gibiers de potence !

— D’amont en aval du fleuve, c’est bien l’avis des populations, mon garçon. Je te rapporte leurs actes, ni plus ni moins. Je n’ai porté aucun jugement. Si tu arrives à la même conclusion que le commun des mortels, c’est que les dieux en personne ont rendu leur verdict… Quand Belaur s’est emparé du trône, ses mages, sachant ce que préparait Othglas, ont menacé de l’exécuter devant toute la cour. En conséquence, le conspirateur s’est enfui à Dalniir pour rallier les Chasseurs, des adorateurs de Malar. Je doute que le Seigneur bestial ait jamais eu prêtre plus gras.

— Est-il encore de ce monde ?

Heaume secoua la tête.

— Tout Athalantar a appris la nouvelle ; les seigneurs mages y ont veillé. Durant une chasse, ils l’ont transformé en ours ; ses propres amis l’ont taillé en pièces.

Elminster frémit.

— Le suivant ?

— Felodar… Celui qui est parti à Calimshan. Les joyaux et l’or sont sa passion. Il a quitté le royaume avant le trépas d’Uthgrael. Où qu’il aille, il ramassait l’or à une vitesse folle, trempant dans le trafic d’esclaves, de drogues et de magie noire. A ma connaissance, ses affaires prospèrent toujours autant. (Il gloussa.) Il a même dépêché des mages ici, afin qu’ils s’opposent aux desseins de leurs confrères.

— Il ne fait pas bon lui tourner le dos…

Heaume sourit.

— En effet. Le cadet est Nrymm. Dans mon souvenir, c’est un jeune loup maigrichon et renfrogné. A la mort de la reine, il a été élevé par les dames de la cour ; il se peut qu’il n’ait jamais de sa vie mis les pieds hors d’Athalgard. Il a disparu il y a quatre ans.

— Mort ?

— Oui, ou retenu prisonnier par les seigneurs mages, toujours ravis d’avoir sous leur coupe un autre héritier d’Uthgrael, au cas où quelque chose arriverait à l’aîné.

Elminster but avec circonspection une gorgée de flammevin.

— A t’entendre, être prince d’Athalantar n’a rien de noble…

Heaume haussa les épaules.

— A chaque prince de faire honneur à ses ancêtres. Un devoir que bien des seigneurs traitent par-dessus la jambe, de nos jours.

Elminster baissa les yeux sur l’épée du Lion qu’il avait reprise en main.

— Que devrais-je faire alors ?

— Partir à l’ouest, vers les Collines de la Corne, et frayer avec les hors-la-loi. Apprends la vie à la dure, manie l’épée… et tue. Te venger, mon garçon, ne consiste pas à surprendre un sorcier dans son antre et à lui planter ta lame dans le dos. Les dieux t’ont donné pour ennemis une pléthore de princes, de sorciers et de courtisans. Si tous s’alignaient devant toi, et attendaient tes coups, ton bras se fatiguerait avant de les avoir envoyés rejoindre leurs ancêtres… Ce sera l’œuvre d’une vie entière… Sois moins rêveur et un peu plus chevalier. Évite les sorciers tant que tu n’auras pas assez d’expérience. Si les soldats d’Athalantar te traquent, accueille-les à la pointe de l’épée. Ces marauds ne sont pas de fines lames – pour l’instant, toi non plus. Réfugie-toi dans les collines et loue tes services aux bandits. Les villes sont à la botte des enchanteurs. Le mal y règne en maître ; les âmes pures, si elles veulent le rester, doivent prendre le maquis… ou rendre leur dernier soupir. Alors fais-toi hors-la-loi, mon garçon, et réussis dans cette profession. Si tu survis, fouille Faerûn, déniche une arme assez pointue pour pourfendre Neldryn… et reviens le faire.

— Pourfendre qui ?

— Neldryn Falconyr, le plus puissant des seigneurs mages.

Le regard gris-bleu du jeune homme s’assombrit.

— Tu as affirmé ignorer leurs noms ! C’est ce qu’un preux d’Athalantar appelle « dire la vérité » ?

Heaume cracha sur le sol.

— La vérité ? C’est quoi, mon garçon ?

Elminster fronça les sourcils.

— La vérité est ce qu’elle est, affirma-t-il, glacial. Je ne vois aucun sens caché à ce mot.

— La vérité est une arme. Souviens-t’en.

Le silence qui suivit dura un long moment. Puis Elminster reprit :

— Très bien. J’ai retenu ta brillante leçon. Dis-moi, ô sage chevalier : dans ce que tu as raconté, que dois-je croire ?

Heaume dissimula un sourire. Quand le garçon prenait cet air inoffensif, la tempête n’était pas loin. Il méritait une honnête réponse :

— Tout. Je t’ai dit ce que je savais. Si tu brûles d’en apprendre plus, ajoute ces noms à ta liste noire : les seigneurs mages Seldinor Capefurie et Kadeln Olothstar. Si je les croisais dans un lupanar, je n’aurais aucune peine à les reconnaître.

— Tu ne corresponds pas à l’idée que je me faisais d’un chevalier.

— Tu imaginais un preux en armure rutilante, mon prince ? Juché sur son blanc destrier, peut-être ? De courtoises manières ? De nobles sacrifices ? Pas en ce monde, mon enfant, en tout cas depuis la mort de la reine de la Chasse.

— Qui ?

Heaume soupira.

— J’oublie que tu ne sais rien de ton propre royaume. La reine Syndrel Cornetemps : ta grand-mère, épouse d’Uthgrael et maîtresse des chasses. C’était la plus belle des femmes…

Elminster se leva.

— Grand merci, Heaume Pierrelame. Avant que tes gredins d’amis s’en reviennent, je pars. Si la chance me sourit, nous nous reverrons.

— Je l’espère, mon garçon. Ce jour-là, puisse Athalantar être libéré du joug des sorciers et des loups. Et que les authentiques chevaliers battent de nouveau la campagne ! (Il lui tendit la flasque de flammevin et du pain.) Rends-toi dans les Collines de la Corne sans qu’on te remarque. Voyage à l’aube et au crépuscule. Tiens-t’en aux forêts et aux champs. Evite les patrouilles comme la peste. Dans le grand monde, on égorge d’abord, on questionne ensuite… si les cadavres ont encore quelque chose à dire… N’oublie jamais : les mercenaires que louent les sorciers ne sont pas des chevaliers. De nos jours, la soldatesque d’Athalantar n’a aucune conception de l’honneur. Si tu croises des brigands, dis-leur que Heaume t’envoie et qu’on peut se fier à toi.

Elminster prit le vin et le pain et le remercia.

— Souviens-toi, insista le chevalier. Ne révèle à personne ta véritable identité, et évite les questions stupides sur les seigneurs mages et les princes. Glisse-toi dans la peau d’un autre, jusqu’à ce que ton heure sonne.

Elminster acquiesça.

— Tu as ma foi, sire chevalier, et ma gratitude.

Avec la gravité voulue, du haut de ses douze printemps, il s’en fut.

Heaume le suivit.

— Attends ! Voici mon épée, tu en auras besoin. N’exhibe pas celle du Lion.

Elminster se retourna. L’homme lui offrait sa propre épée !

— Qu’utiliseras-tu à la place ?

Heaume lui tendit une lame ordinaire, et son fourreau.

— J’en volerai une autre ! Ne suis-je pas censé mettre mon arme au service d’un prince du royaume ?

Elminster mania l’épée. Pourfendant un ennemi imaginaire, il se sentit redoutable.

Heaume le gratifia d’un sourire de carnassier.

— Bravo ! Maintenant, va, mon garçon !

Il partit égorger un mouton, se demandant combien de jours passeraient avant qu’il apprenne la fin du jouvenceau…

Le premier devoir d’un chevalier n’était-il pas de faire rêver les petits garçons ? Sans cela, comment apparaîtrait la génération suivante de redresseurs de torts ?

Et qu’adviendrait d’un royaume qui allait à vau-l’eau ?

A cette pensée, son sourire s’évanouit.

Qu’adviendrait-il d’Athalantar ?